Ancien habitant de Rodange, Jacques Thill (88 ans) connait très bien le Fond-de-Gras pour l’avoir vu encore en activité lorsqu’il venait jouer dans les environs. Quand il a appris que deux étudiants, Albert Wolter et Nicolas Didier, avaient pour projet d’y remettre en circulation un train à vapeur, il a voulu en savoir plus pour ensuite apporter son concours à cet ambitieux projet.
Jacques Thill dans la voiture Prince Henri 755 1ère classe. C’est grâce à ses photos et plans que cette voiture a pu être reconstruite.
Petite anecdote : le 28 février 1970, jour où l’Association des Musées et Tourisme Ferroviaires (AMTF) – Train 1900 avait organisé une première réunion de travail, Jacques a dû appeler ses amis pour les prévenir qu’il ne pourrait pas assister à la réunion car son fils, Jean-Marie, venait de naître.
Les débuts de l’association…
Confronté à beaucoup d’incompréhension et parfois même à la moquerie, les étudiants persistent et, bénéficiant du soutien du « Modelleisenbahnclub Bassin Minier » (MBBM), parviennent à recruter de plus en plus de membres. De 1970 à 1973, la réfection des voies de chemin de fer, souvent en très mauvais état, est l’activité principale.
Encore dubitatifs, les autorités ne contrôlaient pas vraiment ce que faisait les bénévoles car le Fond-de-Gras était une vallée isolée. En effet, un important éboulement survenu en 1964 empêchait la circulation ferroviaire entre le Fond-de-Gras et Pétange. Les autorités de l’époque savaient qu’ils ne pouvaient que « jouer avec leur locomotives » au Fond-de-Gras et ils se sont donc dit qu’avec le temps la motivation des bénévoles s’estomperait et qu’ils abandonneraient le projet par eux-mêmes.
Les premiers véhicules…
En 1971, grâce à l’aide du Syndicat d’Initiative de la Commune de Pétange, le Train 1900 acquiert son premier véhicule motorisé : l’autorail Uerdingen et sa remorque. Les bénévoles entament alors la construction d’une remise pour le protéger des intempéries.
Eté 1973, visite du dernier bastion de la vapeur à Ehrang (Trèves) Les machinistes s’amusaient avec le petit Jean-Marie qui voulaient tout inspecter.
En 1973, la Commune de Pétange loue deux locomotives (ADI 8 et ADI 12) auprès de l’aciérie de Differdange. La locomotive ADI 12 est en mauvaise état et ne peut pas circuler directement. Par contre, étant donné que la ADI 8 circulait encore avant son transfert, elle est mise en chauffe dès son arrivée au Fond-de-Gras ; un moment magique pour les bénévoles du Train 1900 dont les efforts étaient légitimement récompensés.
Comme les membres de l’association n’ont, à l’époque, pas encore les connaissances en matière de conduite ou d’entretien de locomotive à vapeur, ils bénéficient des conseils de deux personnes spécialisées dans le domaine : Albert Feidert, de l’aciérie de Differdange, et Albert Reckinger des CFL. Ces derniers leur apprennent énormément de choses, et les bénévoles n’hésitent pas à consulter de la littérature spécialisée afin de parfaire leurs connaissances.
Les premiers trajets en trains…
29 octobre 1972 à Pétange : lors d’un train spécial organisé par la GAR (il n’y avait plus de vapeur au Luxembourg depuis 1964) Jean-Marie fait une petite fugue pour observer l’attelage de la locomotive BR23 à la rame, certain disent que c’est ce jour-là qu’il a attrapé le virus…
A pâques 1973, un premier voyage avec passagers est effectué avec une locomotive à vapeur et l’autorail en tant que wagon. Puis, à partir d’août, le train à vapeur touristique circule officiellement avec des wagons belges prêtés par un collectionneur. Le succès est au rendez-vous puisque près de 8000 visiteurs se pressent au Fond-de-Gras pour prendre place dans le train.
Grâce aux bonnes relations que les membres du Train 1900 entretiennent avec quelques responsables les CFL et certaines aciéries, l’association accède à du matériel ferroviaire augmentant ainsi sa collection.
Le bénévolat
A l’époque, les conditions de travail des bénévoles au Fond-de-Gras sont bien différentes de celles d’aujourd’hui. Outre d’anciens bâtiments en partie détruits, on y trouve le café « Bei der Giedel » et la gare où vit une famille. Mais il n’y a ni atelier ni remise à disposition des membres du Train 1900. Et c’est donc tout naturellement que le soir, après une dure journée de travail, les bénévoles se retrouvent « chez la Giedel » pour prendre un verre tous ensemble.
Petite anecdote : la mère de la famille qui habite alors dans la gare avait la fâcheuse tendance à faire son linge blanc le dimanche et à l’accrocher sur l’actuelle terrasse de la gare. Inutile de préciser que linge blanc et suie de locomotive à vapeur ne font pas bon ménage…
Il faut attendre 1983 pour que le Train 1900 puisse racheter le bâtiment de la gare et ses terrains alentours aux CFL. Les bénévoles ont enfin un endroit pour s’abriter, se restaurer et se réunir.
Jean-Marie touche le régulateur avec l’aide de sa sœur Liz, à Ehrang (D)
Si aujourd’hui une équipe du ProActif rénove une partie du matériel (essentiellement des wagons) et que l’Etat finance certains travaux, Jacques se souvient qu’au début de l’association tous les tâches sont réalisées par les bénévoles. C’est pourquoi, certains projets ont pris du temps, comme la construction de la première remise qui aura durée près de 12 ans. En effet, les travaux se font en fonction des rentrées financières mais aussi des compétences et des disponibilités des bénévoles. Cela implique aussi parfois des pertes de temps conséquentes car chaque automne, il faut emballer tout le matériel ferroviaire (durée environ 3 semaines) et à nouveau le déballer après l’hiver.
Au fil des années, les conditions des bénévoles se sont donc nettement améliorées ; mais la fraternité n’a pas changé. Chaque membre apporte sa contribution, que ce soit sur le terrain ou en dehors grâce à son métier ou sa famille.
Jean-Marie Thill (51 ans) a baigné dans l’ambiance des trains à vapeur dès son plus jeune âge, grâce à son père. En effet, Jacques emmène souvent Jean-Marie et ses sœurs, dès leur plus jeune âge, avec lui lorsqu’il se rend au Fond-de-Gras. Une des premières responsabilités confiées à Jean-Marie est alors la gestion de la buvette, à l’époque une brouette remplie d’eau pour y plonger les bouteilles afin de les rafraichir.
Mais avec le temps, les tâches deviennent plus sérieuses, et directement liées à l’univers enchanteur du chemin de fer.
Jean-Marie, aujourd’hui vice-président comme l’était jadis son père.
Jean-Marie a connu beaucoup de succès et de beaux moments dans sa « carrière » au Train 1900.
La plus grande réalisation étant probablement l’acquisition de ses deux locomotives la Cockerill 503 et l’Energie 507. De longues années de recherches, des négociations, des travaux pour enfin pouvoir circuler sur ses propres machines.
Dès le départ, le pari le plus ambitieux de Jean-Marie était de circuler sur le réseau ferroviaire au-delà de la ligne du Fond-de-Gras. Pari tenu ! Il a roulé à travers tout le Luxembourg, en Belgique, en Slovaquie et même en Pologne où plus de 25.000 personnes se sont déplacées pour venir admirer sa locomotive Cockerill 503, la vedette d’un important festival.
L’amateur de train apprécie également tous les événements comme le premier festival vapeur en 1995, dont il est à l’origine. Il se souvient également de « Péiteng am Damp », des premiers Blues Express au départ de Differdange etc.
Conclusion
Père et fils sont très fiers de ce que les bénévoles ont réussi à construire au Fond-de-Gras en 50 ans : sauver une partie du patrimoine ferroviaire national tout en permettant aux visiteurs de vivre une expérience unique, tous les dimanches et jours fériés de la saison sans exception.
Jacques et Jean-Marie rappellent que l’association a toujours besoin de bénévoles, pas seulement pour la circulation des trains. En effet, le travail de bénévole s’est largement diversifié : entretien de la mécanique, tâches administratives, relations avec les clients, gestion du buffet de la gare…. C’est donc toujours avec plaisir que sont accueillis de nouveaux visages au sein de l’association.
25 mai 2002, Fond-de-Gras : baptême au champagne de la Cockerill 503 « Jeanne » par sa marraine, l’épouse de Jacques et la mère de Jean-Marie.
Mais Jacques et Jean-Marie sont néanmoins un peu inquiets car les locomotives à vapeur nécessitent une importante quantité de charbon qui pose certains problèmes environnementaux. Ils espèrent donc que l’utilisation du charbon comme combustible à des fins patrimoniales ne soit pas soumise à des restrictions excessives.