Version luxembourgeois (originale)
Version traduite :
Dans les années 1950, le Fond-de-Gras était principalement associé à l’extraction de minerai de fer. Le travail des mineurs était difficile, dangereux et surtout réservé exclusivement aux hommes. En effet, depuis la loi de 1876 le travail des femmes était interdit dans les mines luxembourgeoises. Au Fond-de-Gras, à l’exception de la « Giedel », on rencontrait donc rarement des femmes.
La fermeture de la dernière mine au Fond-de-Gras en 1955, suivi par la création de l’association Train 1900 en 1970, ont marqué le début d’une nouvelle ère. Les femmes ont progressivement trouvé leur place dans cet environnement autrefois exclusivement masculin.
Plus de 50 ans plus tard, le changement est perceptible. Début 2024, environ 20 femmes sont actives comme bénévoles, salariées ou membres du conseil d’administration dans les trois associations actives au Minett Park Fond-de-Gras.
La première femme à s’impliquer dans l’activité culturelle et touristique du Fond-de-Gras fut Mme Gaby Wolter. Active en tant que bénévole au Train 1900 depuis plus de 40 ans, elle a été décorée récemment de l’Ordre du Mérite de la commune de Pétange. Elle raconte son parcours, ses motivations et les défis qu’elle a rencontrés.
Gaby Wolter : une pionnière du Train 1900
« J’ai découvert le Train 1900 en 1982 lors d’une visite avec un ami. Séduite par cette expérience, j’ai décidé de devenir membre active de l’association l’année suivante. Je vendais principalement les billets et j’ai commencé à conduire l’autorail. À nos débuts à Rodange, nous travaillions avec seulement deux chaises, une table et un parasol. Puis, près du passage à niveau à Pétange, nous disposions d’une cabane. Depuis le raccordement à la gare CFL, en 2003, nous utilisons le Poste 4 à Pétange, un véritable bureau avec guichet, bien plus confortable.
Après plus de 40 ans d’engagement associatif, dont 20 ans au comité et 15 ans en tant que secrétaire, ma motivation demeure inchangée : le plaisir et la passion. C’est amusant pour moi. J’apprécie les échanges avec les gens, observer les machines en action, notamment la numéro 12, ma préférée, et voir le plaisir des visiteurs.
La seule fois où j’ai vraiment ressenti la difficulté d’être une femme dans un domaine masculin, c’était il y a 30 ans, lorsque j’apprenais à conduire un autorail. Cette expérience n’a pas été bien accueillie, ce qui m’a fait arrêter. Heureusement, les temps ont changé. Aujourd’hui, une femme qui conduit une locomotive n’est plus un problème. Preuve en est Doris et Caroline, les deux premières femmes à avoir passé l’examen pour conduire des locomotives à vapeur.
Aux jeunes filles et femmes souhaitant se lancer dans un domaine masculin, je conseille de rester elles-mêmes et de bien faire leur travail – l’acceptation viendra naturellement. »
L’une de ces jeunes filles est Charlotte Blard. À 12 ans, elle a décidé de devenir membre de l’association Minièresbunn Doihl, devenant ainsi le plus jeune bénévole du Minett Park. Elle raconte son parcours, ses motivations et ses attentes.
Charlotte Blard : la relève
« Ma première visite de la mine remonte à 2023, accompagnée de mon grand-père. J’ai été immédiatement captivée par l’ambiance de la mine et les différentes locomotives. Lorsque j’ai remarqué une affiche encourageant les visiteurs à devenir bénévoles, j’ai pris contact avec l’association et commencé mon bénévolat très rapidement.
Les raisons qui m’ont poussée à m’engager en tant que bénévole sont multiples : la diversité culturelle, les échanges avec des touristes de divers horizons, la préservation du passé et la gentillesse des membres de l’association, pour n’en citer que quelques-unes. Ce qui me rend particulièrement heureuse et ce que j’espère retirer de ce bénévolat, c’est l’opportunité de découvrir de nouvelles choses et de participer à l’organisation de divers événements.
Je n’ai pas encore rencontré de difficultés avec les hommes de l’association. Ils sont tous très aimables et se comportent de manière très respectueuse envers moi. »
À l’âge de 84 ans, Mme Anny Antony est la doyenne des bénévoles. Son engagement reste constant, sans aucun signe d’affaiblissement. Elle est en pleine forme et l’association peut toujours compter sur son dévouement. Anny exprime ses motivations avec ces mots :
Anny Antony : la passion intergénérationnelle
« Née en 1940, j’ai grandi entourée de trains à vapeur, une passion qui ne m’a jamais quittée. À cette époque, les voitures n’étaient pas courantes. On prenait le bus, le train ou le tram. Même la police se déplaçait à vélo. Lorsque mon fils est devenu actif au Train 1900, j’ai toujours été là pour aider quand cela était nécessaire. Depuis le décès de mon mari, il y a près de 15 ans, je viens presque chaque dimanche. Tant que ma santé me le permettra, je serai présente. »
D’importantes décisions sont concernant le site sont prises au sein du conseil d’administration de l’asbl Minett Park. Laurence Brasseur, représentante du ministère de la Culture a présidé cette association de 2022 à 2024. Mme Brasseur partage son expérience de cette période, ainsi que sa vision sur le rôle des femmes dans le domaine de la culture industrielle luxembourgeoise, en offrant des conseils précieux aux jeunes filles et femmes désireuses de suivre cette voie.
Laurence Brasseur : leadership féminin
« Mon mandat en tant que présidente de l’asbl Minett Park a été à la fois enrichissant et intense. En tant que présidente, j’ai pu m’impliquer davantage dans les décisions stratégiques du conseil d’administration, ce qui a constitué une expérience très gratifiante pour moi. La période a été marquée par plusieurs changements au sein de l’association, notamment au niveau du personnel et de la direction, ce qui a représenté un défi mais aussi une source de grande satisfaction.
Concernant le rôle des femmes dans des domaines historiquement dominés par les hommes comme la culture industrielle luxembourgeoise, il est crucial d’adopter une perspective nuancée. On dit effectivement que l’industrie est un domaine traditionnellement masculin, mais je pense que cela est aussi dû à la façon dont l’histoire est racontée – une histoire qui, par le passé, a souvent été écrite par des hommes.
De nombreux récits historiques donnent l’impression d’un monde beaucoup plus dominé par les hommes. Cela se remarque, par exemple, avec les hommes travaillant dans les mines. De même, lorsque la guerre est évoquée, le récit se focalise principalement sur les soldats. Pourtant, la société a toujours été composée pour moitié de femmes, qui ont également apporté une contribution significative : peut-être davantage en arrière-plan, à la maison, mais pas uniquement. Les femmes travaillaient également.
C’est aussi une question de perspective, et aujourd’hui, il est important d’essayer de rendre les femmes plus visibles. Dans le cas spécifique de l’asbl Minett Park, par exemple, l’association est fortement dominée par les hommes – tant dans l’équipe (1:3) que dans le conseil d’administration (1:11), où un déséquilibre entre les femmes et les hommes existe. Je ne pense pas qu’il y ait une volonté délibérée d’avoir moins de femmes, mais il est possible que les hommes ne soient pas suffisamment conscients de la nécessité de prêter attention à ce déséquilibre lors de la nomination des membres du conseil d’administration. Et je pense que notre rôle est peut-être de continuer à sensibiliser et à nous assurer que ces voix soient également entendues.
Il est donc d’autant plus important et intéressant de souligner que dans le domaine de la culture industrielle au Luxembourg, de nombreuses femmes occupent actuellement des postes où elles ont la possibilité d’apporter une perspective différente sur l’histoire. Elles peuvent mettre en lumière des histoires restées jusqu’à présent relativement cachées.
Pour garantir que les femmes soient représentées dans tous les domaines de la société à l’avenir, je conseillerais aux filles et aux jeunes femmes, sur la base de mon expérience personnelle, de suivre leurs aspirations et non le chemin qui pourrait être attendu d’elles, que ce soit dans leur vie privée ou professionnelle. Si elles n’osent pas, qu’elles s’entourent de personnes qui les soutiennent ou rejoignent celles qui suivent déjà cette voie – car on peut énormément apprendre de cette manière.
Mme Robyn Wehles a repris la direction de l’asbl Minett Park en janvier 2023. Avec l’aide de son équipe, elle coordonne et promeut les activités touristiques et culturelles. Elle s’est exprimée de la manière suivante.
Robyn Wehles : un regard engagé
« Au cours des 10 années où je suis maintenant active au Fond-de-Gras, la proportion de femmes a augmenté. Je suis fière d’avoir rencontré tant de femmes intéressantes et très engagées dans le cadre de mon travail. Nous avons la chance d’avoir deux belles équipes de bénévoles diversifiées – jeunes et âgées, femmes et hommes, artisans ou non. Il y a tant de domaines où l’on peut s’investir, chacun y trouve sa place.
C’est pourquoi j’aimerais, à cette occasion, encourager particulièrement les filles et les jeunes femmes à venir découvrir cela lors de l’une de nos journées portes ouvertes, par exemple. Car, un charme, une atmosphère et la communauté qui s’est développée dans cette vallée en pleine nature sont difficiles à retrouver ailleurs. »
Dans les cinq témoignages de femmes actives au Minett Park, on observe un changement significatif au Fond-de-Gras au cours des dernières décennies : là où il était autrefois interdit aux femmes par la loi de s’impliquer, il est désormais courant de les voir s’engager avec plaisir à faire revivre un passé où elles étaient traditionnellement absentes.
Les intéressés par le rôle des femmes fortes qui soutenaient les mineurs au quotidien sont chaleureusement invités à découvrir l’exposition « Aus Eisen » de l’artiste luxembourgeoise Martine Federmeyer-Gwynne, qui se tiendra du 18 juillet au 15 septembre 2024 dans le Hall Paul Wurth au Fond-de-Gras. Ce projet artistique rend hommage à sa famille, imprégnée par le travail dans l’industrie du minerai de fer, et à son impact significatif sur le Luxembourg.
Cet article a été écrit par un homme.